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— Je suis M. Smith, dit l’étranger d’une voix musicale.

— Et moi, miss Swancourt, répondit Elfride.

Sa gêne disparut.

Ce jeune homme séduisant contrastait tellement avec le taciturne, vieil homme d’affaires qu’elle s’était imaginé, — un personnage sarcastique dont les vêtements sentiraient la fumée de Londres, dont la peau aurait blêmi par suite du manque de soleil, — qu’Elfride sourit de soulagement, éclata presque de rire au nez du jeune homme.

Stephen Smith, que nous avions à peine entrevu dans l’obscurité, n’était, à ce moment de sa vie, qu’un gamin au physique et à peine un homme par l’âge. On n’eût jamais cru, d’après son aspect, qu’il pût venir de Londres. Comment vivre avec ce teint frais et sain au milieu de la fumée, de la boue, du brouillard et de la poussière ? Certes, un visage aussi ouvert n’avait jamais connu « la fatigue, la fièvre et l’agitation » de la seconde Babylone.

Son teint était aussi pur que celui d’Elfride, aussi délicat que les roses de ses joues. Sa bouche rivalisait de perfection avec l’arc de Cupidon et ses lèvres cerise eussent fait envie à une jeune fille. Cheveux bouclés noirs, des yeux brillants d’un bleu gris, une rougeur d’enfant, ni barbe ni moustache — la légère ombre brune de sa lèvre supérieure méritait difficilement ce nom — tel était l’homme d’affaires londonien dont la venue inquiétait tant Elfride.

Son père, se dépêcha-t-elle de lui dire, ne pouvait, à son grand regret, l’accueillir. M. Smith répondit d’une voix jeune, qu’il s’efforçait de rendre masculine. Il se montra désolé pour le pasteur, mais avoua qu’en ce qui le concernait personnelle ment il ne pouvait se plaindre de la substitution.

Stephen fut ensuite conduit à sa chambre.

Elfride, pendant ce temps, se faufila chez M. Swancourt.