Page:Hardouin - La Detenue de Versailles en 1871.pdf/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On comprend quel aliment devait offrir à la maladie cette masse en proie aux mille assauts de la misère. Chaque jour envoyait à l’ambulance quelques-unes de mes pauvres compagnes. Tout moyen propre à prévenir les complications, faisait absolument défaut, la moindre indisposition dégénérait vite en affection grave. Il y avait bien un médecin aux Chantiers, mais étant donnés le régime et le milieu, c’est en vain qu’il eût décuplé tout ce qu’il pouvait avoir de science, les résultats n’en eussent pas moins été nuls. Or, l’honorable praticien pratiquait le moins possible… Ses visites avaient lieu une fois par jour, et voici la thérapeutique, peut-être savante, mais, croyons-nous, par trop anesthésique dont le major usait et même abusait :

La malade. — Docteur, je souffre de maux d’estomac.

Le docteur. — Donnez un flacon, que j’y verse quelques gouttes de laudanum !

— J’ai la migraine, docteur : du laudanum.

— Des douleurs articulaires : du laudanum.

— Une névralgie : laudanum, laudanum !

Tant, que le surnom : Laudanum, lui resta.

Évidemment, l’Esculape en képi mettait le