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dont il fallait tirer seize parts, ne permettait à aucune de nous le luxe d’une indigestion. Et, qu’on ne s’y trompe pas, cette cuillerée de fécule devait suffire, avec la moitié du pain de munition, à la nourriture quotidienne d’une personne. Invraisemblable, la chose n’en est pas moins vraie. Le riz et le bœuf conservé dans l’eau salée étaient donnés dans la même proportion : encore le bœuf était-il parfois si corrompu que les vers y grouillaient. Dans ce cas, les malheureuses qui n’avaient pas d’argent (et c’était le plus grand nombre), devaient manger leur pain sec.

Les ustensiles de cuisine étaient au niveau du confort : quelques assiettes, mais seulement une cuiller pour six ; les doigts servaient de fourchette. Des couteaux, armes dangereuses, peu en avaient. L’eau de la pompe était la seule boisson pour celles qui ne pouvaient acheter du vin.

Le régime débilitant de ce milieu méphitique, et la quasi-impossibilité ou l’on était de procéder aux soins du corps, étiolèrent en quelques mois les natures les plus robustes.

Telles femmes entrées là pleines de santé en sortaient haves et fiévreuses pour entrer à l’in-