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Ces deux charmantes jeunes filles apportaient des vêtements à leur mère. Retirées à l’écart, mais en vue des soldats et des prisonniers, madame W… pleurant, changea de costume. Triste cabinet de toilette, en effet, que cette écurie publique.

Je regardais ces jeunes filles avec attendrissement, en les voyant faire tous leurs efforts pour défier la curiosité. Et quand l’heure de la séparation sonna, je ne pus m’empêcher de pleurer avec elles.

Cependant à quelque pas de là, se passait une scène plus navrante encore : sanglotant et pressée contre son mari, une jeune femme enceinte, tenant une petite fille de 6 à 7 ans par la main, ne voulait pas se séparer du père de ses enfants. Leurs sanglots se confondaient. En vain, ce malheureux homme voulait consoler sa famille, sa femme appuyée sur sa poitrine ne voulait pas se séparer de lui : « Oh ! va-t-en, disait-il, je t’en supplie, ta douleur m’ôte tout courage. » « Je veux te suivre, dit-elle, pour partager ta prison. » Pauvre femme que le cœur abuse ; est-ce que le budget permettrait cela ? Ils te l’enverront à Cayenne ou ailleurs ton mari, il y mourra de la fièvre avec des milliers d’autres.