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Montant sur le siége, je mis l’œil à une petite lucarne ronde, hérissée de pointes, à la façon des colliers de dogue, seule ouverture qui me donnait l’air et la lumière ; je vis le jeune chanteur en blouse grise qui barbouillait les murs de peinture. Je l’appelai, il regarda autour de lui, inquiet, puis il vint au guichet. Je le priai d’aller chercher mon mari, il me le promit. J’eus un moment d’apaisement et d’espérance. Mais en ces temps de haine farouche, où montrer de la sympathie aux vaincus c’est s’en faire solidaire, ce jeune homme eut peur, et, vainement, l’œil à la lucarne, l’oreille au guet des pas, j’attendis. La nuit vint sans que je visse un visage aimé. Les passants devinrent plus rares, les lumières s’éteignirent, les volets se fermèrent, j’entendis sonner minuit, il n’y avait plus à en douter, mon mari et mon fils ignoraient où j’étais.

Tant d’émotions diverses m’avaient brisée ; aussi, malgré ma douleur, cédant à la fatigue, étendue sur la planche dégouttante d’eau, je m’endormis d’un sommeil agité. Ce peu de repos fut encore troublé d’heure en heure par mes geôliers qui venaient s’assurer de moi. Parmi ces hommes, il devait y avoir des maris, des