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SUR LA ROCHE

Tour à tour, tandis que naissaient les étoiles, le maigre bras se relevait, s’abaissait, remontait, et les coups sonnaient ; mais, à cause de la distance, le bruit n’en arrivait que tard, au moment même où le maillet déjà était revenu dans le ciel plus constellé, et l’ivrogne s’étonnait de cette sorcière qui travaillait à clouer des étoiles.

Le Breton ne gardait pas rancune à la cabaretière : elle l’avait battu et elle en avait le droit, n’étant pas sa femme ; aussi bien, il pourrait la battre, s’ils étaient mariés. Les coups ne comptent qu’entre hommes. Elle était mal lunée, ce soir-là ; elle serait plus gentille, un autre jour : il faut savoir patienter.

Il patienta. Comme par le passé, il revenait au cabaret, ni plus ni moins souvent, et tout naturel, avec l’honnête mine d’un qui ne saurait pas.

— Puisque j’étais soûl, j’ai rien su ; j’ai le droit de pas savoir ce que j’ai dit, et tout de