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LA PEUR

raison sur ce point, tout au moins pour un temps.

On se tromperait cependant si l’on imaginait que ce vœu d’échapper aux soupçons prît sa cause dans un remords quelconque ou dans la simple conscience du forfait accompli : bien loin de croire qu’il eût à rougir de son acte, don José dut, au contraire, se trouver grandiose, et cette vengeance épique ne pouvait que flatter sa folie de mégalomane.

Mais il y avait, à côté du crime, une chose qu’il lui répugnait de divulguer, et c’était les causes du crime : il n’admettait point et voulait empêcher qu’on recherchât dans sa vie intime les mobiles de son acte ; l’honneur défendait que ses infortunes conjugales fussent étalées au grand jour.

— La femme de César, comme il disait, ne doit pas être soupçonnée.

Son orgueil prétendait conserver intact « le nom qui fit trembler et jamais rire ». Un grand crime se porte haut, un ridicule vous ravale : il le pensait du moins, et ce que fit don José, il le faisait, non par amour, mais pour l’honneur !