Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LA PEUR

cond maître répondait des choses : quoi ? Je n’en sais rien, car il parlait à peine, à la manière de quelqu’un qui n’ose pas dire ce qu’il pense ; mais le lieutenant répétait son ordre avec colère ; j’ai très bien reconnu la voix de don José ; je n’ai pas vu sa figure, à cause de l’obscurité, mais ses gestes, je les vois encore, en ombre chinoise, et je pourrais jurer qu’il tenait son revolver au poing, pour menacer le second. Le torpilleur avait passé.

Les bras m’en tombaient de découragement, à l’idée qu’ils arriveraient avant nous, et que le lieutenant allait monter à bord, faire du scandale, tuer quelqu’un, quand je ne serais pas là pour défendre mon maître. J’ai lâché mes avirons, et je n’avais plus envie de rien, plus de force.

Mais tout d’un coup une sueur froide m’a pris ; je venais de le réentendre dans ma tête, l’ordre du lieutenant, et c’était l’ordre de parer la torpille ! Deux fois, je l’ai entendu, tout à l’heure ! Sur le moment, je n’y ai pas pris garde, et je ne comprenais pas, alors ; mais sa voix me tinte dans les oreilles ! Une torpille ! C’est bien ça qu’il commandait au second, et l’autre protestait.