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LA PEUR

Ça me faisait rire en peu. Ah ! malheur ! Au lieu de rire comme une bête, si je leur avais seulement crié de ne pas descendre là dedans ! Le paradis, que je croyais ? L’enfer, plutôt ! Et quand j’y pense… Mais je ne pensais à rien. Il y a des choses qu’on ne peut pas prévoir ! Même si on en avait l’idée, on ne les croirait pas, bien sûr, car il faut être un damné, comme… je ne peux plus dire ce nom-là !

Donc, je m’étais mis à ramer, allant de long en large, et j’inspectais tout.

Une bonne brise s’était levée du Sud-Est, dès minuit, et la mer clapotait. C’est un peu dur de nager seul. Au bout d’une heure, je me dis qu’il vaudrait mieux gagner le port, puisque, aussi bien, on n’avait rien à craindre du jaloux, même s’il revenait, puisqu’il ne pouvait rien soupçonner tant qu’il n’aurait pas été d’abord à sa maison, voir que sa femme était partie. Je vire à bâbord, le vent me pousse ; en vingt minutes, me voilà à quai, et j’attends, l’œil au large.

Il y avait pas mal de caboteurs, et des transports, qui me gênaient un peu, mais j’avais trouvé une bonne place, et par une échap-