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LE SETUBAL

il apprit que sa femme venait d’y arriver, et qu’elle était chez son père.

— Je vous l’avais défendu, Madame, parce que je vous devine : mais prenez garde !

Les rapports entre les deux époux se faisaient alors plus tendus que jamais : leur aversion était devenue réciproque, et nulle décence n’atténuait plus l’expression de cette mutuelle rancune : le mari exécrait sa femme d’avoir pu lui tenir tête, et il se complaisait à lui hurler sa haine, dans des accès de furie ; il la brutalisait, allant parfois jusqu’à s’imposer à elle par la violence et comme un châtiment, pour l’humilier en lui prouvant sa faiblesse.

Elle était bien résolue à ne plus revenir en Europe, et il le pressentait.

Elle écrit : « Il est fou, par instants, à moins qu’il ne le soit toujours. Je te jure qu’il n’a pas toute sa raison, je te jure qu’il me tuera ! Il m’a dit, l’autre soir : « Je sais fort bien que vous ne me tromperez pas, et je me charge de vous en ôter le moyen, sinon l’envie ; mais je vous conseille de ne jamais faire que le monde vous en accuse, même innocente, car ce serait tout comme : la femme de César ne