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LA PEUR

la comtesse adressait à Miguel ; elles datent du premier jour, et sans interruption se succèdent pendant plus de trois années ; elles sont pleines d’une passion tenace que n’entament ni l’absence ni sa durée, et du remords aussi d’avoir trop faiblement lutté jadis contre les pressions étrangères, d’avoir manqué de courage ; on y sent vibrer les rancunes d’un orgueil outragé qui se révolte, et même le regret des ivresses que l’on n’a pas osé connaître, dans le temps où elles étaient possibles ; surtout on y sent un espoir qui ne renonce ni à la vengeance, ni au bonheur ; à maintes reprises, on y voit don José brutal et narquois, haineux plus qu’amoureux, proférant des menaces contre sa femme, parfois avec un cynisme dont la phrase suivante peut indiquer le ton :

« Pensez ce que vous voudrez, dit-il, aimez qui vous voudrez ; mais si par malheur il vous arrivait d’être infidèle, n’espérez pas que je l’ignore, et soyez bien assurée que je ne vous permettrais, ni à l’un ni à l’autre, d’y survivre une seule minute. »

Au reste, les amants ne s’effraient guère ; ils le tromperaient sans scrupule. Miguel écrit :