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LES SABOTS DE NOËL

Mais il est malaisé de joindre le célèbre vieillard. Après maintes démarches, dont l’inutilité se faisait décourageante, force nous fut de recourir aux procédés récemment découverts pour obtenir la matérialisation des spectres. L’effet fut immédiat ; dès notre premier appel, aux abords de minuit, le Bonhomme Noël se condensa et fut visible devant la cheminée, fantôme bienveillant et mélancolique.

Je ne l’avais pas revu depuis mon enfance ; il portait toujours sa barbe aussi blanche, aussi longue, mais il me parut notablement changé, non pas qu’une quarantaine d’années, s’ajoutant à des siècles, l’eussent en réalité vieilli autant que moi-même, mais plutôt parce que le sentiment d’un prestige qui diminue l’avait atteint dans son moral ; il se montra tour à tour languissant et nerveux, et récriminateur. Une telle attitude n’est point rare chez les personnages qui furent jadis honorés du crédit populaire, et que ce crédit abandonne ; quand le public cesse de croire en eux, leur déchéance les affecte, et je ne pouvais m’étonner beaucoup si l’excellent fantôme, sous la menace de sa fin pro-