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LA PEUR

On vérifia mes courroies. Ils se mirent sept après moi, assis sur des tabourets, ou montés sur des tréteaux, et ils commencèrent presque tous en même temps.

Deux, en avant, me coupaient les jarrets, et, après avoir coupé, ils brûlaient.

Un autre assura qu’il se contenterait de me disséquer les muscles de la queue, et il le fit.

Le quatrième me tailladait les lèvres et me pelait une oreille, pendant que le cinquième, en arrière, m’enlevait le sabot du pied gauche ; mais il s’était trompé dans son travail et il passa au pied droit.

Les deux derniers m’ouvrirent la jambe pour aller voir, au fond, mon os cassé, et le rabouter en enfonçant leurs mains dans moi.

Je ne peux pas dire comme ils me faisaient mal, tous ensemble. J’avais beau me raidir, ils ne comprenaient pas. De tout mon cœur je les suppliais : « Pardon… Pitié… Pardon… Tuez-moi vite ! » Mais ils n’entendaient rien, puisque les chevaux ne parlent pas. Bien sûr, ils ne se doutaient guère de mon supplice, et ils agissaient sans méchanceté, et ils n’étaient pas en colère, car ils causaient entre eux, pendant qu’ils me faisaient tant souffrir.