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LES SABOTS DE NOËL

L’appui de la fenêtre se trouvait juste à hauteur de ma tête, que j’y reposai, car j’étais bien las. J’apercevais l’intérieur de la salle. Je vis mal, d’abord, puis, je vis mieux : c’était comme une grande boucherie, avec une table de pierre tout au long du mur, et d’autres tables au milieu de la chambre, et, sur toutes ces tables, un étalage de cadavres, que les hommes appellent viandes, et qu’ils achètent pour en manger.

Je détournai la tête, car les boucheries m’ont toujours causé une espèce d’épouvante, et aussi de répugnance, à l’idée d’un animal vivant qui peut mettre dans sa bouche et garder au fond de lui, en les promenant partout, des morceaux d’un animal mort.

Je regardais ailleurs, espérant qu’on viendrait bientôt me retirer de là, et j’avais froid, car il gelait fort.

Enfin, au bout d’un temps, on se souvint de moi, et je fus bien content lorsqu’on me détacha. À ma grande surprise, on m’introduisit dans la chambre : jamais de ma vie, je n’étais entré dans une chambre.

Dès le seuil, l’odeur de mort me repoussa très fort, et, malgré moi, je tirai sur mon