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LA BOMBE

a soif, mon tueur de femmes, qui n’ose pas aller boire ! Combien de fois déjà a-t-il risqué un pas, deux pas, et reculé ? Combien de fois par heure ? Combien de fois la tentation, par minute ? À quatre pattes, dans la nuit, le cou tendu, les yeux écarquillés, il s’aventure à tâtons : ses bras lents, comme des tentacules, s’éploient, un peu, si peu, reviennent et retournent, évoluent, et caressent de l’ombre avec leurs mains fébriles.

— S’il trouvait !

Peut-être, il a trouvé, oui, peut-être ?…

— Eh bien ? La mort tardera davantage, et voilà tout ; elle n’en sera que plus vengeresse.

La troisième nuit passe : elle est pourtant interminable. Trente fois, au moins, je me réveille. Et même, ai-je vraiment dormi ? Oh, que c’est long ! Est-ce que je ne m’ennuie pas ? Je crois que je m’ennuie. L’aube n’arrivera donc jamais ? Jamais plus, elle ne reviendra pour ceux qui l’attendent sous terre !

La voici… La nuit est passée. Je me lève mal. Je consulte ma montre, nonchalamment et sans plaisir.

— Cinquante-six heures.