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LA BOMBE

sur eux. Je marche sur eux. Je tape le sol, de mon pied, pour me délecter de ma domination. Je me couche, j’appuie ma tempe à la terre, inculte depuis des années.

J’écoute. Aucun bruit.

— S’ils sautaient, juste à ce moment, et moi avec eux ?

Pourquoi pas, et que m’importe ? Ai-je besoin de vivre ? La tâche est finie, et l’existence aussi ! Je n’ai plus de but, plus de désirs : mes jours futurs seront monotones et chargés d’ennui, une mort m’en délivrerait ! Je ne veux plus de l’avenir.

— Saute donc, misérable !

Je martèle le sol à coups de poing. La rage me crispe. Puis, je m’apaise. La sagesse me revient. Je ne demande plus qu’ils sautent, mais au contraire que leur supplice se prolonge tout aujourd’hui, mardi, et demain encore, n’est-ce pas ? Après-demain, aussi, mon Dieu, si c’est possible, et encore après…

Mais, par compensation de mon affolement refréné, une soudaine envie me prend, d’aller savoir, plus près d’eux, et d’écouter leur agonie. Je redescend aux caves.

Me voici à la porte du vestibule ; je me