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LA BOMBE

la leur, si tu veux, celle des femmes… Essaie… Pourquoi n’essaierais-tu pas ? Qu’est-ce que tu risques, au point où tu en es ? Demande-leur pardon, un peu !

Timidement, ses regards obliquent vers le portrait. Va-t-il supplier ?… Non. Dans un rehaut de courage, il se crispe et ravale sa prière. Tant mieux ! Je ne le veux pas vil. Qu’il ait peur de la mort, ça me suffit et j’en suis sûr ! Qu’il soit capable de résister à sa faiblesse, cela me plaît, car le supplice durera plus longtemps.

— Avant que je sorte, regarde encore une fois un vivant : c’est le dernier que tu verras !

Ce coup-ci, je ne m’y trompe pas : ses prunelles me supplient. Mais il n’articule pas un mot.

— Adieu, Tantale, l’eau est là ! Meurs de soif et de peur, à côté de l’eau, ou décide-toi au talion, et fais de toi ce que tu fis des autres, bouillie de chair, de sang, de moelle et de cervelle, bifteck haché, mètres d’andouilles et purée d’os, dans les murailles qui s’écroulent !

Je prends la lampe et ma lanterne. Je sors. Je ferme.