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LA PEUR

de la faim ; la soif me suffit : elle est pire. On dit que c’est une torture atroce, et qui rend fou : je n’ai rien trouvé de mieux à t’offrir. J’appréhende même qu’avec elle le pain te paraisse trop sec et le jambon trop salé. Bah ! si tu n’y peux plus tenir, tu trouveras de quoi boire dans l’une des quatre cruches, à condition que tu choisisses la bonne, et sans renverser les autres… Il ne te manque plus, à présent, qu’un outil pour couper tes cordes ? Le voici, ouvre ta main, prends-le. Parfait ! Avec ce couteau entre les doigts, parole ! tu as l’air d’un autodafé qui tient son crucifix. Dans l’attitude où te voilà, il ne te sera pas difficile de scier le chanvre à ton poignet : tu y mettras le temps mais j’ai besoin de temps pour m’éloigner, n’est-ce pas ? Tes mains une fois libres, rien ne te sera plus aisé que de délivrer tes jambes, et tu pourras alors te promener à ton aise, au milieu des bombes, en pleine nuit, toi qui es noctambule. Bonne promenade, mon garçon, et pas d’imprudence. Eh ! là donc ! On dirait que tes yeux m’implorent ?… Oui, oui, le voilà humble, avec des yeux tout ronds ! Es-tu naïf au point de croire à ma pitié possible ? Invoque