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LA PEUR

je l’ai vue, à Barcelone, la peur qui te cassait les jambes ; c’est elle qui t’a livré à moi, en t’empêchant de fuir, et c’est avec elle que je vais t’enfermer ici !

— Je n’ai peur de rien.

— Devant la galerie, mais tout seul ? Quand tu halèteras pendant des nuits et des jours qui seront des nuits, tout seul dans les ténèbres avec la mort sans phrase et sans témoin, tu ne cabotineras plus et tu ne seras plus que toi-même, un misérable pleutre qui grelotte et claque des dents !

Humilié d’être à genoux devant mes pieds, il tente de se redresser, mais je l’abats :

— À terre, en attendant que tu rentres sous terre ! Reste à genoux !

— Lâche, qui insultes un homme sans défense !

— Oui bien, et tu dis vrai, et je n’en rougis pas, et ce rôle est celui qui me convient, pour te traiter comme tu traitais les autres, toi qui professes le métier d’égorger sans remords des êtres sans défense ! Ce que tu délibérais de faire et de refaire, je te le fais, et sans plus de scrupules que tu n’en as, et sans honte, je te le jure ! La mort que tu leur don-