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LA PEUR

sauvé, et c’était sage ; mais tu avais affaire à plus malin que toi ; je t’ai donné la chasse, je t’ai repris, je t’ai ! Et maintenant, regarde-les, les douces figures de celles qui ne sont plus, mais qui sont ici tout de même, pour te juger, pour te punir ! Je t’annonçais des spectres ? Regarde !

Je tends sur lui le petit cadre, qu’il reconnaît du coin de l’œil, mais il se détourne davantage, avec une affectation de dédain, et il hausse une épaule.

— En face ! Regarde-les ! Demande pardon, à genoux !

Sa mine m’a exaspéré : je ne me possède plus. J’arrache de lui les lames de plomb, et, d’une force décuplée, je l’empoigne par le torse, je le tire à bas du lit, je l’agenouille à terre. Il crie :

— Lâche !

À cinq doigts de sa face, je dresse le portrait des martyres :

— À genoux, devant leur relique !

Il ne doute plus ; il a compris tout. Cependant, son angoisse, dans un suprême espoir, tourne encore vers moi des yeux qui interrogent.