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LA BOMBE

ces services-là. Quant à toi, Enrique, tu es vexé parce qu’Émile t’a brûlé la politesse, et qu’il s’est méfié de toi ; tu as tort, car on ne se méfie jamais trop. Il faut que vous soyez amis ! Je le veux, pour qu’à nous trois nous fassions la belle besogne, une besogne dont on parlera, je vous prie de le croire ! J’ai mon plan !

Il nous l’exposa : à quelques sottises près, c’était celui dont je m’acharnais depuis trois semaines à suggérer les éléments, et qui devait nous ramener en Espagne : à Gérone d’abord, à Madrid ensuite, là pour préparer les engins, et là pour les utiliser. Mais vous pensez bien que le voyage des tueurs se limiterait à Gérone, et que je me chargerais de les y arrêter pour toujours…

Eh ! caraco ! la bonne joie, quand le programme de Blasquez fut définitivement adopté ! J’en oubliais presque ma rage, tant je jouissais de l’assouvir, et ma haine devenait alerte, communicative, entraînante, comme la plus chaude amitié. Je chantais, je jasais, ma gaieté sonnait en fanfares et s’épanouissait en boutades. Vraiment, mes deux condamnés à mort ont bien ri pour leurs der-