Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
LA BOMBE

— Quoi donc ?

— T’embrasser.

En le serrant entre mes bras, j’avais l’illusion d’étreindre son domaine et d’en prendre possession.

— Ici !

L’idée qui venait de naître se dégageait du rêve, et dans mon esprit elle précisait ses lignes à mesure que, dans mon œil, le décor précisait ses détails. Ma fièvre était telle que je ne me tins plus de poser une question, toujours évitée jusqu’alors :

— Il connaît cet endroit ? Lui, mon ami… de Barcelone… que j’ai sauvé.

— Émile ?

— Je ne sais même pas son nom.

— Émile, dit La Ballade. S’il connaît le laboratoire ?… Ah ! là, oui, il le connaît ! Nous y avons passé des journées, à préparer les bombes. Celle dont tu parles, nous l’avons faite ici. Oui, mon vieux, ici !

— Ensemble ?

— De ces mains que tu vois, oui, mon vieux. Parce que lui, tu comprends, c’est un brave garçon, mais il n’entend rien à la chimie, oh ! là, non !