Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
LA BOMBE

— Je le rêvais, ce coup-là, un coup admirable, mais je n’ai su que le projeter, et tu as su l’exécuter.

Il sourit. Je l’ai regagné ! On en fait ce qu’on veut, de ces gars-là, si on flatte leur maladie, le mal d’orgueil, qu’ils ont jusqu’à en devenir fous et à se constituer bourreaux. Des naturalistes prétendent que les tigres sont cabotins. Bien vite, j’appuie sur la chanterelle :

— Oui, mon vieux, un trait de génie, que tu as eu là, tout simplement ! Je m’y connais et j’en ai vu. On n’en trouverait guère, tu sais, pour combiner la chose comme toi et moi, ni surtout pour l’exécuter comme toi.

Il fait une moue de modestie ; pour agiter sa main par-dessus son épaule, dans un geste de négligence, il a lâché le revolver. Amusons sa vanité, amusons-la.

— Tout de même, vois-tu ? il y a un point qui cloche, et, là, je comprends mal. Pourquoi as-tu tardé à sortir de la maison ? Je n’espérais plus guère t’y trouver.

— Un accident… lorsque j’ai refermé le volet… D’abord, il faut te dire que je mourais de soif…