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PRÉFACE

verselle, peur de la mort et de la vie, celle des formes perceptibles et des visions irréelles, du monde ambiant et du mystère, la Peur divine, telle que la connurent les ancêtres préhistoriques, lâchés nus et sans armes dans la forêt sauvage, parmi l’hostilité de tout, et qui lancina si cruellement les premières pensées humaines qu’elles se tendirent vers le ciel, pour crier grâce contre la terre, et inventèrent des dieux pour être secourues !

Celui qui vécut de la sorte ne pouvait pas vivre longtemps : ses amis le pleurent encore, parce qu’il fut cordialement aimé, avec tendresse, avec pitié, avec respect, comme le mérite un être d’exception qui porte en lui le fardeau sacré, et qui en meurt. Mais ce qu’il faut dire et dire surtout, c’est la vénération due à cette sincérité d’autant plus respectable qu’elle fut suspectée, et qui a fait de Rollinat un des derniers poètes accordés à un monde d’où le rêve s’en va.


E. H.