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LA BOMBE

actes, jusqu’au geste suprême de lancer la bombe. Ici, deux incertitudes : Avait-il suffisamment préparé sa fuite ? A-t-il eu le temps de sortir ? J’étais, tout à l’heure, à cinquante mètres, que j’ai franchis en courant. De plus, j’ai perdu deux minutes, dans la douleur, peut-être trois. Il a deux étages à descendre : prudemment, ou bien à la course ? Selon sa nervosité, et j’ignore. Une chance de le trouver dans l’escalier, dans le couloir, ou hésitant sur le seuil. Vite, vite ! Sans même un regard à mes mortes, — est-ce que le taureau pense à l’étable, quand il fonce sur le picador ? — je me ruais vers la maison et j’étais le taureau qui souffle droit devant lui, mais qu’on n’amusera pas avec des banderilles !

Ah ! la bonne porte ! Personne n’avait l’air d’y songer, à cette porte-là ; les imbéciles allaient aux maisons innocentes, et pas un d’eux ne me suivait ! À moi tout seul, la proie ! J’arrive. Sur le trottoir, sur le seuil ? Pas un de ces passants n’est lui ! Je le reconnaîtrais. A-t-il passé ? En m’engouffrant dans le corridor, en gravissant l’escalier, j’arrangeais mon plan, mon rôle, un beau plan, je vous jure, et ça tournait vite, dans ma caboche !