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LA PEUR

pas à tout le monde, cet honneur-là ! J’en étais fier, d’ailleurs, et je l’avoue, mais je n’avais pas besoin d’une flatterie pour m’encourager à bien faire : j’aimais mon métier, passionnément, par nature, comme le chien de chasse aime la chasse, parce qu’il est né pour elle. Aussi, nul n’a plus rien compris à mon personnage, le jour où l’on découvrit en moi des idées qu’on ne soupçonnait guère, et que, d’ailleurs, je ne me connaissais pas davantage, des idées que j’ai affirmées, pourtant, et que j’exècre, en raison du mal qu’elles m’ont fait, ce qui n’est pas peu dire, je vous prie de le croire ! Vous voyez que mon cas n’est ni simple, ni clair : mes collègues de la Préfecture, et mes chefs avec eux, et les juges aussi, ont perdu leur latin sur cette énigme-là, et j’ai eu du plaisir à les regarder qui pataugeaient : j’en aurais ri de bon cœur, si j’avais été capable de rire dans la circonstance ; mais je n’y songeais guère, eh ! là, non !

Pour comprendre, il aurait fallu, comme toujours, chercher la femme : ils n’y ont pas songé, par bonheur… J’en avais une. Je ne vous raconterai pas ce roman, dont personne ne doit rien connaître. Sachez seulement, et