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LA BARATTE

quand il y aurait le flot, prenne notre baratte et l’emporte dans le courant, qui est fort, comme je vous ai dit…

Mais c’était mal aisé d’aller, comme vous pensez, rapport à la pluie, car il n’y a rien de plus glissant que les roches de mer, quand il pleut dessus : c’est tout ciré. J’avais peur de tomber avec le petit, rapport à mes sabots, et je lui aurais fait du mal : je les ai tirés, et Céline a aussi tiré les siens, qui faisaient du bruit sur les cailloux, car on ne voulait pas être dérangées, vous jugez.

Quand on est arrivé, il y avait flot, déjà. Céline a posé la baratte, en la calant dessous avec du galet, pour qu’elle soit bien d’équerre, et le petit à son aise. On lui a fait un lit, nous deux, avec la couette, et Céline l’a embrassé pendant que je le tenais ; mais elle ne l’a pas pris, monsieur le juge, ça, je vous jure, vrai comme je suis là ! Elle ne l’a pas pris pour me laisser tout faire, et je n’aurais pas voulu le lui laisser prendre.

On l’a couché sur la couette, si mignon qu’il était ! Il avait l’air d’un Enfant Jésus dans sa crèche.

Ah ! dame ! vous pensez bien, quand ça été