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LA BARATTE

lait plus lui faire crédit, vous pensez bien, puisqu’elle ne payait pas.

Mais ça a bien été une autre histoire, un jour. Voilà-t-il pas que le mari de Céline s’en est retourné dans son pays, tranquille comme Baptiste ?

— On ne peut plus aller, qu’il dit, je m’en vais.

Et il a fait. Le vrai, voyez-vous, c’est qu’il a mieux aimé garder tout son argent pour la boisson, et être tranquille avec ses amis, comme avant le mariage, quoi ! On l’a plus revu. Céline est venue demeurer avec moi. Mais c’était de la misère, tenez ! Car, moi, comment voulez-vous que je gagne ? Ah, oui, c’était de la misère, et vous pouvez me croire.

Pour lors, je vous dirai que ma fille, dans ce temps-là, nourrissait son petit, qu’elle avait eu. Mais elle ne faisait guère de lait, vous entendez bien, parce qu’elle ne mangeait pas, et il faut savoir, monsieur le juge, qu’une femme a besoin de manger, quand elle nourrit. Le petit prenait la bouillie. Il venait bel enfant, tenez, magnifique ! Il forçait à vue d’œil. Tout de même, il ne marchait pas, et