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LA PEUR

moi, à travers mes larmes, l’image de ce corps qu’il ne faut plus décrire, la vénérable horreur de cette morte que j’avais faite !

Ah ! oui, ce matin-là, je l’ai aimée saintement, l’impassible victime, et religieusement, d’un bel amour que je n’ai jamais connu durant ma vie, d’un grand amour expiatoire. Éclairé par la mort et dégagé de moi, je l’ai chérie pour elle et non plus pour moi-même, et je l’adorais de tout mon respect, de toute ma douleur, mille fois mieux qu’au temps de sa beauté !

En cet état d’esprit, une idée fixe s’intronisa en moi : « Je ne veux pas que nul la voie ainsi ».

Dans le vœu de l’ensevelir, je me traînai sur les genoux. Je traversai la chambre. Je gagnai la fenêtre ; je pus me hausser, et l’ouvrir. Tout le printemps entra chez nous, et l’infection s’évada dans le bleu.

Vous savez le reste : un passant qui m’aperçut, debout à la fenêtre, complètement