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LA PEUR

der. À peine mes yeux s’en étaient détournés que déjà elle les rappelait, et sitôt, qu’ils retournaient vers elle, je recommençais le dur travail de baisser mes paupières. Mais quoi ? Dès que je ne l’apercevais plus, elle se dessinait davantage et plus horrible encore, dans l’évocation ; sa masse inerte s’y faisait fluctuante, et roulait dans ma tête une marée de chair bourbeuse. Alors, pour chasser le cauchemar, je revenais vers la réalité.

Des heures ont passé ainsi : non pas toutes pareilles, comme vous pourriez croire, mais partagées entre des crises de folie et des somnolences au cours desquelles je considérais le cadavre avec une sorte d’hébétude.

À bout de forces, sans doute, je finissais par ne plus constater que sa présence matérielle, sans en tirer aucune déduction, aucune pensée, sans la comprendre ; l’identification ne se faisait plus, dans mon esprit, entre cette masse immonde et ma Berthe adorée. Je les distinguais l’une de l’autre. Car, il faut bien l’avouer, l’idée de la mort, cette brusque transition de l’être au non-être, reste foncièrement inconcevable à l’homme : pour imaginer qu’une créature