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LE PRISONNIER DE SON ŒUVRE

ler, à cause du vague espoir qui gît au fond des bêtes, tant qu’elles vivent : les cris demeuraient au fond de ma poitrine rigide, et les muscles de ma gorge gardaient leur impotence.

N’importe ! J’essayais quand même, écoutant le résultat. Je hurlais : « À moi ! » Et je n’entendais que du silence.

Elle ne finira donc jamais, cette nuit, cette vie ?

— À l’aide !

Enfin, un cri, très faible, mais qui était un cri, s’exhala de moi, dans les ténèbres…

Il faut avoir été enseveli vivant pour savoir ce qu’elle est, tout ce qu’elle est, et ce qu’elle vaut, et ce qu’elle renferme, notre voix qui sonne tout à coup dans le noir, et qui secoue le mutisme des choses, qui ressuscite leur obscurité, qui proteste contre elles, qui répudie le néant ! Tout ce qu’elle épanche de réconfort, parce qu’elle est de la vie, et tout ce qu’elle dépose d’horreur, parce que rien ne lui répond !

Je l’entendrai toujours, mon premier cri ! Nulle musique au monde ne fut jamais plus belle ni plus poignante, et pour l’ouïr encore,