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LE PRISONNIER DE SON ŒUVRE

Après chaque évanouissement, grâce à ce provisoire repos de mes nerfs, je voyais mieux, je comprenais mieux, je me souvenais davantage. La mémoire aidant la compréhension et les effets ressuscitant les causes, il advint, au bout d’un assez long temps, que toutes mes notions s’étaient successivement classées : à la fin, je savais.

Horreur ! Devant moi, cette face…

Le visage du cadavre était d’un gris bleuâtre, avec des prunelles écarquillées, vitreuses, une bouche ouverte en carré, des gencives violettes, des dents ternes, un nez mou et tordu, pendant sur le côté, et qui suintait…

Je voulus crier. Rien. Le souffle restait dans ma poitrine, soufflet sans levier. Pourtant, je respirais ? Oh ! si peu !…

Je respirais une odeur de cadavre, et, très exactement, je me rappelais tout.

— Berthe est morte. Je vis.

Au milieu de mes tortures, et malgré elles, je travaillais à m’expliquer l’événement : mais je souffrais trop, et le travail fut long.

Enfin, il aboutit à des inductions qui me parurent admissibles : Berthe, placée au-des-