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LE PRISONNIER DE SON ŒUVRE

Je dus sortir, pour respirer un peu de nuit fraîche, et reprendre mes forces.

Enfin, je rentrai dans la maison, dans la chambre.

Berthe était couchée. En me voyant si grave, si pâle, elle se mit à rire de ses belles dents :

— Quelle mine, chéri !

Comme elle riait, pour la dernière fois ! Sa jolie tête, sur l’oreiller, s’encadrait de cheveux épars qui roulaient savamment vers son épaule nue : mon absence avait été mise à profit, pour une mise en scène avantageuse, et la coquette m’appelait :

— Voyons… Riez-moi, chéri… Regardez-moi… Viens !

Elle tendait vers moi ses deux bras ronds, et elle remuait les doigts avec un air d’impatience, se faisant câline et tentante, pour triompher de mon esprit avec sa chair. Mais moi, je résistais, pour la laisser vivre un peu plus longtemps, et pour la contempler encore un peu, avant…

Je vins m’asseoir, enfin, au bord du lit, et elle m’attira par le cou ; mais je détournais mes lèvres et je luttais contre mon désir ; elle