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LA PEUR

action sur le système musculaire en paralyse instantanément le jeu ; les muscles se pétrifient, le cœur en même temps que les autres : il s’arrête, la vie cesse de tourner ; le courant est interrompu ; l’homme s’éteint comme une lampe électrique.

Je ne vous narrerai pas les ruses qu’il me fallut déployer, pour me procurer le poison : cette goutte de mort était enrobée dans une ampoule de verre, minuscule et fragile.

Je ne m’attarderai pas non plus au récit des autres préparatifs : afin de mourir en tranquillité, j’avais emmené Berthe à notre villa, déserte en cette saison, et j’étais bien sûr que personne ne viendrait y troubler notre heure finale.

Quand cette heure fut toute proche, le courage me faillit. C’était le soir : déjà l’aimée, avec ses gestes de grâce, si connus et si chers, se dévêtait auprès du lit où elle allait étendre son beau corps, pour le dernier sommeil, et elle souriait malicieusement vers cette tombe. Toute ma colère s’évaporait hors de moi ; une pitié désolante m’ensorcelait, devant cette beauté d’une vie qui n’existerait plus dans un moment.