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LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

Une voix dit :

— T’entends, Julot ?

Une autre voix :

— Ça fait rien. Houst, ohisse !

Par bonheur, je repris assez d’intelligence pour songer :

— Si j’appelle, ils vont me tirer trop hâtivement et me déchiqueter. Attendons qu’ils déblaient.

Je me tins coi.

Les sauveurs, en effet, déblayaient avec fureur. De la vie qui revenait vers moi, j’ai vu d’abord, entre les poutres, l’angle aigu d’une hache, puis un levier de fer, qui pénétrait dans notre chaos, et qui le disloquait. Puis, j’ai aperçu une botte énorme, qui se posait. Ensuite, une main noire et forte est entrée par un trou, comme une bête prudente, et elle remuait en l’air, avec lenteur, en cherchant. J’étais à tel point surmené d’émotions, que cette main sans corps, et si lente, avec ses doigts en crochets, m’inspira une terreur enfantine. Pour la vie, je n’aurais pas voulu la voir sur mon visage ! De l’appeler à mon secours, j’avais encore moins l’idée ! Elle s’en alla, et j’en fus soulagé.