Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

piquait les narines et m’astringeait la gorge. Il me parut que l’air était plus chaud et que le ronflement sourd, constaté tout à l’heure, se faisait plus précis, plus proche… Plus proches, aussi, les craquements…

— On brise les wagons, pour nous sauver.

Les voix, en effet, plus nombreuses que tantôt, parlaient, commandaient, appelaient. Elles aussi étaient pleines de frayeur. La température, indiscutablement, montait. Je toussais à de plus fréquentes reprises. Un picotement d’aiguilles travaillait mes narines, la cornée de mes yeux, le bord de mes paupières. Une larme glissa sur ma joue. Pourquoi ? Dans la nuit, je croyais respirer des fumées. Alors, une idée horrible me passa dans l’esprit : « On brûle ! »

— Oui, c’est cela ! Le train brûle ! La machine, éventrée, a mis le feu aux wagons ! Ce ronflement, là-bas, c’était des flammes ! Elles viennent !

Je suffoquais. Au fond du noir, devant moi, je vis des étoiles rouges qui crépitaient.

— Ah ! brûler là dedans !

D’efforts désespérés, je m’agitais en vain,