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LA PEUR

Une odeur de suie et d’usine s’adjoignit, plus tard et me fit tousser fréquemment. Je me sentais las. Ma position, trop longtemps conservée dans l’immobilité, devenait intolérable. Je n’étais ni assis, ni debout, mais suspendu, porté : non par mes pieds, mais par des compressions multiples qui s’exerçaient sur mon torse, mon dos, mes cuisses, ma nuque, mon ventre. Le poids de mon corps me tirait. J’avais, d’ailleurs, perdu toute sensation de mes jambes, engourdies par l’inaction. À force d’attendre, je n’attendais même plus. Il faut une espèce d’énergie pour espérer ! Mon énergie était à bout. Lorsque des pas venaient à ma portée, je criais encore, mais faiblement, par acquit de conscience, presque par devoir…

Et tout mon corps s’alanguissait. Un besoin de dormir faisait tomber ma tête par côté. J’avais trouvé pour elle une pose presque commode, le menton appuyé sur le crâne de la jeune fille. J’allais dormir, peut-être, quand un accès de toux me réveilla : les ressauts de la toux heurtaient ma tempe et mes côtes contre des arêtes de bois ou de métal. Une âcre vapeur de soufre et de laine brûlée me