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LA PEUR

tâchant de l’entendre, je regardais fixement devant moi : dans celle fixité, je perçus à quelque distance, en avant, une lueur.

— Je ne suis pas aveugle !

On peut donc se créer des joies, en toutes conditions ? J’en eus une à ce moment-là, et bien réelle.

— Je vois !

Mais cette satisfaction, vous pensez bien, fut courte, car je possédais à peine ce renseignement initial, que déjà je le négligeais, pour suivre mon enquête sur l’état de mon corps.

À force d’attention, et en appuyant ma poitrine contre une matière résistante qui gisait devant moi, je réussis à percevoir le battement de mon cœur.

— Ça va… Il va… Pas très fort, hein ? Il va, cependant… Les poumons ?… Je respire ?… Oui. Avec peine, mais je respire. Avec douleur, aussi. Des côtes enfoncées ? Probablement. La cuisse droite me fait très mal. Cassée ? Sans doute. Peut-être simplement comprimée ?… Je ne sens pas mon pied gauche. Emporté ? Engourdi ?… Je n’ai plus de pied gauche… Non ! Je l’ai toujours, puisque