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LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

sommes tamponnés ! Je n’en reviendrai pas. Impossible que j’en revienne ! La notion rétrospective du péril m’épouvanta comme si le péril était à venir ; alors, halluciné par ma mémoire et par l’angoisse, me sentant replacé dans le wagon, j’attendais le heurt, avec l’inévitable mort. Il me semblait sentir sur mon visage le vent furieux de notre vitesse, coupant ma respiration, et je n’arrivais pas à concevoir que la catastrophe fût accomplie déjà, accomplie à mon insu.

— Quoi ? Si vite ? Et je n’ai rien senti. N’ai-je rien senti ?… Cependant… Oui… Ce noir… Ces choses invisibles qui me serrent… C’est fait !

Je respirai fortement, dans le bien-être d’une délivrance.

— Si c’est fait, je suis blessé. Où ? Comment ? Sans aucun doute, je vais mourir. On n’échappe pas à un tel écrasement. Que je sois dans une cage de débris, cela est évident. Mais, des fers, des bois ont du me poignarder en vingt endroits, et je vais mourir. C’est fini. Ça finit. Est-ce que je souffre beaucoup ?

Attentif, écoutant le bruit de mon cœur, et