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LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

l’éclairage frisant, elles se faisaient tièdes ensemble.

— Est-ce tout vu ?

Elle tourna la tête vers moi, pour recueillir mon jugement, et me regarda en face, durant une demi-seconde : elle dut être satisfaite, car elle mordit ses lèvres rouges, pour ne pas rire, ses belles lèvres pleines de baisers futurs ; voulant se donner une attitude d’indifférence, elle remit ses gants avec lenteur, étendit le bras gauche vers un livre qui traînait là, et poussa un cri déchirant, en s’abattant sur ma poitrine.

Je n’ai rien vu que cela : des choses noires qui venaient en foudre, et elle dans le tas ; je n’ai rien entendu, que son cri, sec et pointu, jaillissant d’un tonnerre sourd.

Une douleur dans tout mon corps, des ténèbres, un silence… Et, sans doute, je m’évanouis.

M’étais-je évanoui ? Je dois le supposer, puisqu’il ne me reste de cet instant que deux