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LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

Un tamponnement ? Beau spectacle, et je peux vous renseigner ! J’étais dans le rapide de Calais-Gibraltar, quand il fut mis en miettes. J’ai vu ça. Je le vois encore. Je le verrai toujours. Il reste en moi, de cette chose, un souvenir à la fois très net et très vague, comme d’un cauchemar, où les troubles visions de l’irréel sont mêlées à de précises notations du détail ; vous connaissez cette sensation de mauvais rêve : dans une atmosphère fumeuse, des larves grouillent avec d’imperceptibles mouvements qui décèlent à peine leurs formes, et l’on dirait du coton gras qui se gonfle d’une vie sourde ; dans cette brume d’existences, une lueur brille par endroits ; puis, c’est quelque escarboucle qui vous regarde, quelque tentacule qui se dessine en s’allongeant, une main d’araignée qui