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LA VIEILLE

À Maurice Rollinat.



B elle à faire damner les anges et les saints,
Elle trôna vingt ans, sans amour et sans joie,
Étouffant la splendeur mouvante de ses seins
Dans des murs de velours et des prisons de soie.

Fermant son cœur d’ascète aux hommes méprisés,
Elle régnait, d’en haut, froide comme une Hécate ;
Et jamais, jour ou nuit, un frisson de baisers
N’effleura les duvets de sa chair délicate.

Quand elle agenouillait son orgueil aux autels,
Elle remerciait la vierge d’Idumée
D’avoir lavé sa peau de nos désirs mortels,
Et mis dans son corps pur le dégoût d’être aimée.

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