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« — Oh, vivre ainsi loin d’eux, loin du ciel, loin du bruit !
Vénus, je veux aimer ! » Et débordant de sève,
Elle tord sur le lit, complice de son rêve,
Les longs et chauds ennuis de sa lourde vertu.


Elle a senti le soir, et son cœur a battu.
« — Seule une nuit encor, hélas ! » Elle soupire.

Car c’est, l’heure d’aimer ! C’est l’heure où le Satyre
Poursuit par les bois sourds et les sentiers ombreux
La Dryade qui rit et fuit vers l’antre creux.
C’est l’heure où le soleil se penche sur la terre ;
L’heure où les myrtes blancs de Gnide et de Cythère
Aux chansons des baisers mêlent des chants d’oiseaux ;
L’heure où le vent lascif caresse les roseaux,
Tout plein de voluptés et de senteurs de roses.
C’est l’heure de l’amour ! C’est le réveil des Causes !

— « Seule encor ! » Danaé se pleure dans la nuit.
Mais, là haut, l’œil d’un dieu la guette et la poursuit.
Elle a mis dans ses mains son beau front qui s’incline :
Elle songe aux raideurs de la chair masculine ;
Aux grands boucs qu’elle a vus courir parmi les prés,
Serrant la chèvre en rut contre leurs dards pourprés,