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La mer chante : le flot, tiède et blanchi d’écume,
Lèche le sable ardent qui fume dans le port.
Le parfum lourd des fleurs pèse, comme une brume,
Dans l’atmosphère épaisse où la brise s’endort.

La sève bout ; le fruit est mûr ; la vie éclate :
Les muscats jaunissants cuisent sur les coteaux ;
Le pâtre, désertant la lande aride et plate,
Sous les blancs oliviers a conduit ses troupeaux.

Et dans le bois sacré, sa royale retraite,
Sous les myrtes neigeux du temple d’Astarté,
La fille du Soleil, Pasiphaë de Crète,
Moule dans les coussins sa brune nudité.

Les tons mats de sa chair ont des reflets d’ivoire ;
Ses cheveux sur son sein roulent comme des flots,
Et l’éclair brille, au fond de sa prunelle noire,
Sous le voile lascif des cils à demi clos.

La voilà ! C’est la Reine aux fureurs hystériques :
Pour éteindre l’ardeur de ses sens allumés,
La voilà se cabrant, frottant ses chairs lubriques
Sur le baiser soyeux des tissus parfumés.