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SOLITUDE


À Me  Étienne D…, magistrat.



P endant que je suis là sur mon lit, seul et nu,
Tendant les mains à l’inconnu ;
Cherchant dans l’ombre épaisse une forme vivante
Pour l’étreindre de mes deux bras ;
Inventant tout ce que la solitude invente
Pour se dédoubler dans les draps ;

Pendant que le sang bout dans tes nobles artères,
Sceptre rutilant de mes pères ;
Pendant que je te tiens, raidi, gonflé, tendu,
Sous l’édredon que tu soulèves ;
Pendant que je m’épuise à noyer ma vertu
Dans l’humidité de mes rêves.