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L’originelle Mort, d’où l’univers est né,
Engourdissait dans l’œuf l’innomable matière ;
Et sans force, impuissant, le Verbe consterné
Pesait dans l’infini son œuvre tout entière.

Soudain, sous l’œil de Dieu qui regardait, sans but,
Frémit une lueur vague de crépuscule.
L’atome vit l’atome : il bougea. L’amour fut ;
Et du premier Coït naquit la molécule.

Or l’Esprit, stupéfait de ces accouplements
Qui grouillaient dans l’abîme insondé du désordre,
Vit, dans la profondeur des nouveaux firmaments,
D’infimes embryons se chercher et se tordre.

Pleins de lenteur pénible et d’efforts caressants,

Les corps erraient, tournaient et s’accrochaient, sans nombre

L’amour inespéré subtilisait leurs sens ;
La lumière naissait des frottements de l’ombre.

Et les astres germaient. Ô splendeur ! Ô matins !
Chaudes affinités des êtres et des formes !
Les soleils s’envolaient sur les orbes lointains,
Entraînant par troupeaux les planètes énormes.