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LES CULTES.

Inutiles héros dont nos champs étaient pleins,
Salut ! Athlètes nés et conçus dans l’épreuve,
Vaillants régénérés de l’humanité neuve !
— Nous partons, nous, les fils d’un monde agonisant
Dont les siècles vécus ont épuisé le sang…
Peuple, peuple ! Sur les débris des nobles races,
Germez, multipliez, croissez, rameaux vivaces !
Épanouissez-vous sous le ciel libre et pur !
Serfs de l’ère passée et rois du temps futur,
Voilà que ce charron a commencé la tâche,
Et taille l’avenir humain à coups de hache !

Le pont-levis grinça sur ses gonds. Un moment,
Dans l’air, il hésita, puis, d’un bloc, lourdement,
Tomba, dans le bruit sourd d’un monde qui se brise.
« En avant ! En avant ! »
Rois, la Bastille est prise.

— Le charron rabaissa sa manche. Il dit : « Voilà, »
Puis, simple, ayant défait vingt siècles, s’en alla.