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LES CULTES.

Tu mis ta large main sur ta poitrine en feu,
Emprisonnant ton cœur dans sa torture intime,
Et trop fier pour vouloir un renom de victime
Tu gardas ton secret pour toi seul et pour Dieu.



C’est jusqu’au dernier jour que ta douleur s’est tue :
Les ans s’accumulaient sur les ans ennemis,
Tant qu’à la fin, brisé d’effort, tu t’endormis,
Grave, immobilisant ton calme de statue.



Tels, crispés de superbe et de rage, hagards,
Dans le carcan des rois ou sous le fouet de l’ange,
Les farouches damnés que sculptait Michel-Ange
Arrêtent la pitié sur le bord des regards.



Leur chair se fend ; le fer se tord pour les étreindre :
Mais eux, debout, hautains, et sans voir les bourreaux,
Songent ; et quand la mort descend sur ces héros,
Ils paraissent si grands qu’on n’ose pas les plaindre.