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LA VIE EXTÉRIEURE.







LORSQUE J’ÉTAIS ENFANT




Lorsque j’étais enfant, j’allais dans les guérets :
Je prenais une pierre, un fruit, et je l’ouvrais,
Brusquement, puis, d’un coup, je me penchais, rapide,
Écarquillant mes yeux dans un désir avide
Pour voir ce que personne, avant moi, n’avait vu.



Car je ne savais pas que le soleil a bu
Dans les coupes de l’air l’âme et le suc des arbres :
Que les vents ont roulé la poussière des marbres,
Et que la mer les a pétris ; qu’ils ont couru
Et glissé sur la mousse aux sauts chantants du ru ;
Qu’ils ont été des flots, de grands bœufs et des roses ;
Et que l’Être, dans l’orbe incalculé des choses,
Va, passe, vient, revient et mue infiniment.