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LA VIE EXTÉRIEURE.

Déformer la nature, inventer des vertus,
Penser, chercher, vouloir, se tordre dans un rêve,
Battre comme des flots les rocs déjà battus,
Et ne pas déplacer un sable de la grève !



Et toujours des essors, des vœux, des pleurs, des cris,
Des douleurs sans motifs et des rages d’homme ivre ;
Toujours de faux espoirs qu’on cloue aux piloris !
— Je suis las de songer, moi qui suis né pour vivre !



Je suis las. Je voudrais renaître aux temps anciens !
Où sont les bois touffus qu’on peuple autour des sources,
Les antres de granit sous la garde des chiens,
Les enfants bruns couchés dans le poil brun des ourses ?



Les femmes qui, prenant la main des inconnus,
Graves, sans impudeur ni pudeur, et farouches,
Livrent abondamment leurs flancs et leurs seins nus
Avec de grands baisers qui font saigner les bouches ?